Hello Kitty Cette petite chatte à l’oreille droite agrémentée d’un ruban ou d’une fleur a vu le jour en 1974 chez le japonais Sanrio. Ses créateurs n’ont pas jugé utile de lui dessiner une bouche, arguant que la minette parle... avec le cœur. La féline s’est lancée à la conquête du monde avec une impassibilité toute nippone.
L’offensive a démarré avec force peluches et articles de papeterie. Aujourd’hui, la star s’affiche jusque sur des moules à gaufre. Au rayon fans, elle compte Cameron Diaz, qui a craqué pour un collier, Sarah Jessica Parker, qui l’arbore sur son T-shirt, et Mariah Carey, qui ne se sépare plus de son sac et se serait laissé tenter par un sèche-cheveux et un toaster... Un succès qui générerait des ventes avoisinant le milliard de dollars annuel.

 

Gamines, Hello Kitty nous faisait craquer avec son tendre univers pastel. Un quart de siècle plus tard, la minette nous séduit toujours, bien qu’on lui fasse plein d’infidélités. Nostalgie de l’enfance ou antidote contre la morosité?
Kawaii! En japonais, ce mot signifie «mignon». Il ne s’agit donc pas d’un cri de guerre ninja, mais du dernier antidote contre la morosité. De Tokyo à Osaka, kawaii s’applique à ces petits personnages tout en rondeurs et aux grands yeux dont raffolent les 5 à 35 ans. Promues stars toutes catégories, Hello Kitty et Pucca la facétieuse (lire encadré) égaient en vrac des taille-crayons, des tabliers de cuisine, des coupe-ongles et autres tasses à café.
La Romanie n’est pas épargnée par cette déferlante venue d’Asie. Preuve que nous sommes de plus en plus nombreuses à craquer pour ces mascottes à poils ou à baguettes, le sourire des commerçants qui ont sauté à temps dans le train de la tendance. Même Globus a cédé à la puccamania, intégrant des articles à l’effigie de cette petite bonne femme dans son rayon spécial rentrée. «Les ventes ont explosé ces dernières années, c’est un véritable phénomène», confirme Line Dessauges, propriétaire des boutiques Flying A, hauts lieux genevois de la branchitude. A la boutique lausannoise Mixage, dont les étalages croulent sous les gadgets tamponnés avec les minois des deux vedettes du moment, Giuseppe Marino, responsable des achats, se frotte les mains: les babioles se vendent comme des sushis. «Beaucoup de gens s’imaginent qu’elles sont destinées aux enfants. A vrai dire, notre clientèle est plutôt âgée de 18 à 35 ans. C’est une très bonne affaire», commente-t-il sobrement.
Certains amateurs, comme Annick, 32 ans, active dans la communication, craquent pour «ces articles aux couleurs sympas qui font voir la vie du bon côté même quand on sort son porte-monnaie». Pour d’autres, ces babioles prennent des allures de petite madeleine. Du coup, ouvrir son sac, c’est entrebâiller une fenêtre sur ses jeunes années. Adieu boulot, impôts, factures... «Sans chercher à faire de la psychologie, acheter ces articles révèle une certaine nostalgie de l’enfance», sourit Line Dessau-ges qui sait de quoi elle parle: ayant grandi aux côtés de Hello Kitty, elle n’hésite pas à se fier à ses goûts pour garnir ses rayons.
Séduire les grandes filles : Léa, 34 ans, mère de deux petites filles, avoue utiliser leur esthétique naïve pour accentuer son côté femme-enfant. «On me prend souvent pour la fille au pair de mes gosses», relève-t-elle malicieusement. Trouvant la petite chatte japonaise Hello Kitty trop sage et trop kitsch, cette pro de la communication lui préfère Pucca, sa rivale coréenne, «plus moderne et plus rigolote. Je me retrouve plus volontiers dans cette petite bonne femme qui se goinfre de nouilles, fait des grimaces et s’affiche avec un petit ami.» Et d’avouer que tout cela lui passera peut-être le jour où son aînée lui piquera son sac à l’effigie de Pucca pour se rendre à une soirée!
"Ces articles colorés nous font voir la vie du bon côté!"
Si les jeunes adultes se replongent avec délices dans le temps des câlins et des fraises tagada, elles évitent cependant d’arborer la même trousse Hello Kitty que leur petite nièce. «Les plus âgées sont à l’affût d’un objet original ou d’un design rare, alors que les plus jeunes préfèrent les articles de papeterie, qu’elles utilisent à l’école», observe Giuseppe Marino. Même constat chez Flying A, qui mise sur des vêtements et des gadgets faits pour séduire les très grandes filles. Là, on ne trouvera pas de gommes, cahiers, stylos, trop typés préados. Pas question de céder à la facilité, même si cela se vend. Line Dessauges, quant à elle, recherche surtout l’article que personne ne possède encore mais que toutes vont s’arracher. Cet été, les kimonos et les petites robes Pucca ainsi que les badges «Hell Kitty» (traduction: Kitty d’enfer...), présentant la sage minette sous son jour le plus trash, ont remporté tous les suffrages.
Côté fournisseurs, on s’adapte également à cette demande plus pointue. Sanrio, firme «mère» du plus célèbre des chatons, décline désormais la bouille de sa vedette sur des articles manifestement destinés à un public sorti de l’enfance, du four micro-ondes aux ombres à paupières. Parallèlement, l’entreprise a donné un sérieux coup de neuf à sa progéniture. Née sur des nuages roses et bleu pastel, surfant dangereusement entre le kitsch et la mièvrerie, la «miss» féline s’affiche aujourd’hui en version «denim» sur des articles façon jeans, ose les pattes d’eph dans sa livraison «flower power» et exhibe un bronzage caraïbe et un bikini à volants dans la série «hula».
Le propre des objets branchés étant de sombrer assez rapidement dans la ringardise, les commerçants sont déjà à l’affût de la prochaine coqueluche. Chez Dom à Lausanne, le gong annonçant la fin de Pucca a déjà sonné. «Je ne vois pas l’intérêt de vendre ce que l’on trouve partout ailleurs», relève Christophe Bettens, gérant de la Mecque lausannoise des objets tendance. Chez lui, la mascotte de la rentrée ne devrait pas tarder à pointer le bout de son museau en rayon. Quant à ses concurrents, ils louchent vers l’Asie, à la recherche de la nouvelle star. «Là-bas, Hello Kitty et Pucca sont out depuis longtemps», soulignent-ils en chœur. Les premiers frimas devraient nous apprendre qui, de Mashimaro le lapin grassouillet ou de Badtz-Maru le pingouin désabusé, tiendra la vedette ces prochains mois.
Au milieu de cette déferlante asiatique, une poignée d’Européens résiste, avec, en tête, les Barbapapas. Gros yeux, rondeurs, tons pastel et goût acidulé de l’enfance, ces bonshommes protéiformes ont tout pour conquérir celles qui adorent le design asiatique. D’abord réapparus sous forme de figurines chez quelques spécialistes de la bande dessinée, leurs bouilles joufflues pourraient bien en faire craquer plus d’une. Annick, maman d’un petit bout de 3 ans, a pris de l’avance en fondant devant un superbe Barbibul (pour les non-initiées: le scientifique de la famille) en résine bleue, qui trône sur son bureau. «J’ai redécouvert les Barbapapas en lisant leurs aventures à mon fils», rigole-t-elle.
Une chose est sûre, elle n’est pas seule à s’être laissé séduire. Devant la vitrine de Flying A, plusieurs trentenaires ont déjà été repérées en pâmoison devant un Barbanain de jardin poussant une barbabrouette...